La temperature est hivernale pourtant, les lacs sont
geles, le vent glacial vient du nord, mais nous sommes
bien en automne.
Il y a bien des courses effrenees apres les bus aussi,
et des incomprehensions bien sur, mais ceci n'est pas
le debut d'un roman. "L'automne a pekin" est aussi a
paris dans toutes les bonnes librairies.
Decrire Beijing. C'est comme son nom l'indique la
capitale du nord, mais en realite c'est un pays, le
centre de l'empire du milieu, une immense poupee russe
ou les peripheriques s'emboitent autours de la cite
interdite, ou tous les axes decrivent les points
cardinaux, la capitale du fengshui; de la maisonnette
de style ming qu'on trouve dans les ruelles jusqu'au
tours immenses, toutes suivent des regles stricies sur
leur orientations.
Plusieurs mondes s'y cotoient, les hutongs, des
ruelles de maisons bi ou tricentenaires a un etages
chatouillent les pieds des tours parfois tristes de
grisailles toutes socialistes, parfois etincellantes
qu'a engendree la nouvelle economie de marchee.
Tout comme ce que l'on a rencontre jusque la en chine,
Pekin presente des visages a l'image de son immensite.
Pekin est aussi pour nous l'amorce d'un virage, nous
allons bifurquer vers le sud, notre long periple vers
l'Est s'acheve la, alors on pense a ce qu'on laisse
derriere soi, la route de la soie.
La rencontre de ses mythes et de sa realite du moins
de la notre.
Beaucoup des lieus que nous avons arpentes, nous ont
permis des rencontres anachroniques, permis de
retrouver des personnages historiques, qui semblent
avoir laisser derriere eux des traces indelibiles.
D'abord moscou. Etonnament c'est napoleon, si familier
a paris ou tellement perdu parmi les figures
historiques de notre capitale qu'il semble efface par
rapport a notre passage moscovite. Il se trouve
surtout qu'on a dormi dans une auberge situe a
quelques pas de la ou il residait a moscou. De plus,
le musee de Borodino fait l'unanimite chez les
moscovites. Mais si, la bataille de Borodino, la ou la
grande armee a ete defaite par les russes. Non moi non
plus, c'est normal on avait perdu.
Les russes aiment les figures fortes et il est clair
que napoleon est un personnage qui les charme, en tout
cas ils aiment en parler.
Samarcande, c'est Amin Maalouf, il n'y a sans doute
jamais mis les pieds, mais cet ecrivain libanais est
peut etre celui qui m'a donne le plus envie d'y mettre
les pieds, maalouf est indissociable de la ville
lumiere au temps des abbassides. Il y a evidemment
d'autres noms qui me viennent ou qui sont evoques a
samarcande, mais gardons les pour des endroits ou on
les attendais moins.
Boukkhara, c'est la rencontre avec le juif errant, a
travers sa communaute qui est incroyablement active et
preserve tout en etant mele au monde musulman qui
l'entoure sur des milliers de kilometres. Vision de
juifs religieux a la barbe blanche, tout de noir vetu,
dans les ruelles etroites de la ville millenaire,
incroyable.
Khiva, oasis perdue dans le desert des sables rouges a
vu naitre al kharzimi, qui latinise a donne
algorithme. Ce mathematicien a cree l'algebre, sa
ville natale est preservee comme aucune autre en
ouzbekistan, et sa statue imposante nous laisse
facilement l'imaginer assis contre un mur de pisee en
train d'ecrire son fameux livre sur l'algebre. Dire
que ca fait des annees que je m'amuse a faire souffrir
des eleves en evoquant ce mathematicien et sa
contribution a cette tres noble discipline (ben
voyons).
Iskandar kul, ou le lac d'alexandre, perchee dans de
superbes montagnes, les monts fans, ou une piste
etroite demande des heures et des heures de route pour
l'atteindre, a vu alexandre le grand il y a plus de
2300 ans, iskandar signifie alexandre, lieu improbable
pour une telle rencontre.
Khojand, il y a quelque decennies s'appelaient
leninabad, m'a fait penser a omar khayam. Chez naim,
dans sa maison ou la cour surplombee de vignes aux
raisins blanc m'a laisse facilement l'imaginer deviser
sur les vertues du vin; birouni mathematicien du temps
des abbassides pouvait etre son interlocuteur.
Des pamirs jusqu'a kashgar mais surtout a langar dans
la vallee du wakkhan, nous avons suivis Marco Polo, il
y a laisse enormement de traces du moins son histoire,
une mine porte son nom. Mais cette vision d'une
caravane de chameaux par dela la riviere du panj, en
Afghanistan semblait etre la sienne, pas grand chose
devait les differencier.
Kashgar, c'est le centre nevralgique de la route de
la soie, la porte vers l'empire du milieu, et cette
vie trepidente qu'abritait la cite est toujours tres
perceptible, toutes les formes de l'islam y sont
presentes notament le soufisme, et les transes des
derviches le jour de l'aid, cloture de ramadan,
rappellent que c'etait aussi une route des idees, des
religions, une route spirituelle, le bouddhisme y est
aussi present mais plus comme vestige. Kashgar reste
un immense marche.
Ella maillart a travers les "oasis interdites", c'est
a turfan qu'elle est apparue le plus distinctement en
plein desert de gobi. Armee de son leica, elle a du
s'amuser autant que moi.
A Tianshui,la partie la plus occidentale de la grande
muraille ainsi que dans le desert de dune de Dunhuang
plane toujours le souvenir de Gengis khan, et cela,
jusqu'a x'ian, ou son petit fils koubilai y a fonde
une dynastie, les Yuan.
Comme je l'indiquais plus haut, il ne s'agit pas ici
d'ecrire un roman, alors forcement je suis passes un
peu vite sur les rencontres que l'on a pu faire
jusqu'ici. Il s'agissait juste d'essayer de partager
un peu de ce que l'on ne peut pas voir,de ce que peut
apporter comme rencontres un long periple entrecoupes
de nombreuses etapes proches les unes des autres,
comme celles qu'a connue cette route depuis des
millenaires.
Ah et Pekin, Pekin me fait evidement penser a Boris Vian.